Qui es-tu ? Quelle est ta trajectoire ?
Je m’appelle Eléonore, je suis tatoueuse et de plus en plus illustratrice. Ça fait environ quatre ans que je fais du tatouage. Pour résumer mon parcours, j’ai fait trois ans d’études en arts appliqués au lycée, puis un BTS en design graphique. J’ai arrêté car je n’aimais pas du tout l’ambiance du milieu. Le design graphique ne m’attirait plus, et les écoles d’art ne sont pas toujours très bienveillantes.
J’ai fait une pause dans l’art en réalisant un service civique où j’ai appris à faire du compost, rien à voir donc (rires). Ensuite, j’ai repris mes études en L3 de socio. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à tatouer, un peu pour rigoler avec des potes. Le tatouage, c’est un milieu très autodidacte, et on apprend beaucoup au fil des rencontres. Même aujourd’hui, quand je croise d’autres tatoueurs, on s’échange des conseils. Petit à petit, le bouche-à-oreille a fait son effet, et j’ai reçu de plus en plus de demandes. À un moment, je jonglais entre ma L3, un job étudiant et le tatouage. Comme le tatouage prenait de plus en plus de place, j’ai fini par quitter mon job étudiant pour me concentrer sur mes études et le tatouage.
Après la L3, je suis entrée en master sur l’étude du genre, que j’ai terminé en juin. Depuis, je me consacre entièrement au tatouage et à d’autres projets que j’avais laissés de côté. J’adore expérimenter, explorer de nouveaux supports et techniques. Pouvoir retrouver cette liberté artistique sans les contraintes des écoles d’art, ça me fait vraiment du bien, et peu à peu, j’essaie de me diversifier.
Tu es tatoueuse à temps plein, exerces-tu dans un salon ou fais-tu uniquement des guest ?
Jusqu’en avril dernier, j’avais un salon avec des amies, mais nous avons rendu le local. Aujourd’hui, je suis une tatoueuse nomade, je fais des guests à Paris et j’en profite pour faire des guests ailleurs, n’ayant plus de loyer fixe à payer. J’aime beaucoup tatouer en salon, car le tatouage peut être un métier très solitaire, tout comme l’illustration d’ailleurs. C’est agréable d’avoir des échanges avec des collègues, ça allège le stress et permet de partager les responsabilités, qui sont importantes dans ce métier. En guest, on crée moins de relations sur le long terme avec les gens, mais c’est tout aussi enrichissant grâce à la diversité des profils et des techniques que l’on peut rencontrer. C’est différent, mais ça me permet de bouger, et j’adore ça. D’ailleurs, je vais bientôt faire des guests à Strasbourg, Lille, Bruxelles, et Amsterdam.
Je tatoue avec la technique du hand poke, une méthode sans machine, donc sans bruit. Les aiguilles sont les mêmes, sauf qu’elles sont dans ma main plutôt que dans une machine. Mes gestes restent identiques, mais cela prend plus de temps, car c’est un processus plus artisanal. Le hand poke permet des rendus uniques, et certaines techniques sont spécifiques à cette méthode, tout comme pour la machine. Certains artistes combinent les deux techniques pour obtenir des textures et des rendus variés. Le hand poke est aussi parfait pour les zones plus fines comme les doigts, les oreilles ou le visage.
Ce qui me plaît dans le hand poke, c’est le côté manuel et le contact direct avec la peau. Je n’ai jamais utilisé de machine, je n’aime ni le bruit ni la sensation qu’elle procure en tatouant. Cela dit, je me fais tatouer à la machine aussi, sinon je me priverais de beaucoup d’artistes incroyables (rires).
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans le fait de combiner illustration et tatouage ?
Ce que j’aime, c’est avant tout la rencontre et l’échange avec les gens. Le fait de pouvoir tatouer différentes parties du corps et différentes peaux me fascine, mais j’adore aussi travailler sur divers supports. Chaque support apporte ses propres contraintes, surtout techniques, ce qui fait qu’on ne crée et n’imagine pas les choses de la même manière.
Par exemple, l’hiver dernier, j’ai créé une collection d’écharpes qui a très bien marché. C’était super intéressant de concevoir un nouvel objet en tenant compte des spécificités du textile, un domaine que je n’avais jamais exploré. Il a fallu réfléchir aux couleurs disponibles chez le fournisseur et à la manière de tisser pour que le dessin ressorte comme je le voulais. J’aime ces défis techniques et la possibilité de me diversifier.
En ce moment, j’aimerais vraiment tatouer plus de mains. J’adore cet endroit, et j’ai l’impression que lorsqu’on me confie ses mains, c’est un véritable signe de confiance. C’est clairement mon gros coup de cœur du moment.
Quelle est ta technique de travail pour réaliser tes illustrations ?
Je commence souvent par un flash qui me plaît, puis je développe une ambiance autour de ce point de départ pour remplir toute la feuille. Je pars d’un flash et je construis un univers tout autour.
Aujourd’hui, je travaille principalement sur iPad. Le crayon a un peu disparu de mon quotidien, même si ça reviendra peut-être un jour (rires). Étrangement, j’ai peu de patience pour beaucoup de choses, et le tatouage demande énormément de concentration, de précision, et du temps. L’iPad me permet d’explorer rapidement plusieurs idées sans perdre cette spontanéité.
Quels sont tes défis au quotidien en tant qu’illustratrice et tatoueuse ? Et comment organises-tu tes journées de travail ?
Mes contraintes sont surtout temporelles. Les délais varient beaucoup entre le tatouage, qui se fait en temps réel pendant le rendez-vous, et l’illustration, qui demande plus de préparation en amont. Il y a aussi les délais liés aux commandes de matériel à prendre en compte. J’essaie de m’aménager du temps spécifique pour chaque activité, en organisant des journées dédiées au tatouage et d’autres à l’illustration. Si je mélange les deux, j’ai l’impression de me disperser. Je réalise principalement des flash tattoos, car les commandes personnalisées me demandent beaucoup plus de temps, et je préfère les éviter pour me consacrer à des créations plus spontanées.
Je travaille souvent de chez moi, entre mon canapé et mon lit. J’aime la liberté que j’ai de gérer mon emploi du temps, c’est un vrai luxe. Mais il y a des périodes plus difficiles dans le tatouage, comme en décembre quand les gens achètent des cadeaux et ne se font pas tatouer (rires), ou en été quand ils partent en vacances. J’ai appris à anticiper ces moments.
À terme, j’aimerais que l’illustration devienne une source de revenu à part entière, pour être moins dépendante financièrement du tatouage. C’est un milieu qui peut être instable, avec des périodes plus creuses que d’autres. Le fait d’avoir des pratiques dans des domaines différents, avec une clientèle qui n’est parfois pas du tout la même, m’aide à diversifier mes sources de revenus.
Et, comme je le disais, j’aimerais vraiment tatouer plus de mains !
Quelle sera ta sélection pour le Pink Power Store ?
Je me lance un défi en présentant des nouveautés (rires). Je pense avoir 2 ou 3 nouvelles illustrations à proposer, en plus de celles que j’ai déjà créées.
Les fleurs semblent être un thème central dans ton travail. Peux-tu nous en dire plus ?
Je ne sais pas vraiment d’où ça vient, mais les fleurs me procurent énormément de joie. Par exemple, voir des parterres fleuris, toutes ces couleurs, ça me rend heureuse. J’adore les fleurs sauvages. Les mélanges de couleurs, les formes… je trouve ça vraiment beau. Je suis hyper attachée à mon univers, que je trouve très réconfortant, et les fleurs en font vraiment partie.
De qui est composée ta clientèle ?
Beaucoup de meufs, et aussi des personnes queer.
Qu’est-ce qui influence le plus ton travail ?
Mes émotions. Je remarque que mes dessins changent selon mon état d’esprit au moment où je les fais. Quand je traverse des émotions fortes, qu’elles soient positives ou négatives, j’aime dessiner. Mais mes créations gardent toujours un côté mignon. Je suis très attachée à mon univers, que je trouve réconfortant. Avoir des couleurs autour de moi, ça me fait du bien. Par exemple, commencer la journée en me disant que je vais devoir m’habiller en noir, c’est la déprime (rires). J’ai vraiment besoin d’être entourée de motifs et de couleurs pour me donner de l’énergie.
As-tu une anecdote girl power à nous partager ?
Le salon de tatouage que j’ai ouvert avec mes deux copines est une belle anecdote. On a tout géré nous-mêmes, de A à Z, et c’était une première pour nous trois. C’était vraiment une super expérience, notre petit aboutissement entre potes, et le fait qu’on ait été capables de monter tout ça seules était très gratifiant. C’était aussi un choix délibéré de n’avoir que des meufs dans le projet, pour créer un environnement hyper safe et bienveillant.
Crédits photo : 2in
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