Interview de Pomallow

Interview de Pomallow

Qui es-tu ? Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Pauline Le Nours, mais on me connaît aussi sous le nom de Pomallow. J’ai 28 ans et je suis graphiste éditoriale. C’est un métier un peu particulier : j’illustre des articles pour y apporter une valeur ajoutée et qui ne peuvent pas être accompagnés de photos. Je réalise aussi des montages photos, des cartes, des infographies… c’est un métier où il faut être assez polyvalent aujourd’hui.
Pendant mes études, j’ai eu quelques jobs à côté. J’ai commencé par un job d’été après le bac dans les finances publiques, puis j’ai travaillé au Jardin d’Acclimatation comme opératrice de manège, où j’animais au micro et veillais à la sécurité des enfants. Je faisais ça pendant mes deux premières années d’études, mais j’ai arrêté car c’était difficile de concilier les deux
Ensuite, j’ai choisi de poursuivre mes études en alternance. Après le lycée, je savais que je voulais tenter les études d’arts. Je me suis dit : “J’essaye, et si ça ne marche pas, je ferai autre chose.” Je ne me voyais pas aller en prépa littéraire. Ce n’était pas évident de s’orienter vers ce domaine, car peu de gens le font, et les profs ou conseillers ne sont pas toujours bien informés. Il faut vraiment chercher par soi-même, et c’était un peu difficile pour moi car je ne connaissais personne dans ce milieu.

 

Graphiste éditoriale chez France Info et illustratrice, comment abordes-tu le travail de commande ?

En fait, j’aime beaucoup ça. Depuis mon alternance, j’ai toujours choisi des entreprises dans lesquelles je pouvais vraiment m’intégrer, plutôt que de travailler dans une agence avec des clients multiples et des deadlines très serrées. Mon objectif a toujours été de bien comprendre le message et les valeurs d’une entreprise pour m’adapter au mieux à leur communication. À France Info, c’est l’actualité qui dicte les commandes, et cela m’a aussi fait réfléchir à mon rôle de citoyenne face à l’actualité. J’ai dû comprendre comment travaillent les journalistes et comment, en tant qu’illustratrice, je pouvais traduire ces informations pour le grand public. Avoir des commandes différentes chaque semaine, voire presque tous les jours, sur des sujets variés, m’aide énormément en tant que créatrice. Cela me nourrit et m’inspire constamment.

 

Quelles techniques préfères-tu utiliser pour l’illustration ?

Avant, j’étais très attachée aux techniques traditionnelles, comme je t’ai montré avec le feutre POSCA. Mais depuis que j’ai découvert l’iPad et Procreate… au revoir le papier canson ! Aujourd’hui, dans mon travail, je ne pourrais plus vraiment revenir au traditionnel, même si ça me plairait. Procreate est tellement plus rapide, et ça me permet de travailler mes illustrations et personnages différemment. Avec le dessin traditionnel, je dois accepter les erreurs et réfléchir à comment corriger directement sur le papier. Mais sur Procreate, je peux aller plus loin dans les effets et m’amuser davantage avec les possibilités qu’il offre.

 

Comment ton style et ta manière d’observer le monde ont-ils influencé des projets comme “Balance ton gynéco” ?

C’est arrivé un peu par hasard. J’ai toujours dessiné des personnages sans vraiment me demander pourquoi. En grandissant, j’ai réalisé que j’étais plutôt introvertie. J’observais beaucoup les gens autour de moi et j’écoutais leurs histoires. Pendant mes cours, je notais des petites anecdotes sur des post-it, que j’appelais “histoires du jour”. Même si j’ai arrêté, j’aime toujours montrer ces petits moments dans mon travail : des petits détails du quotidien que les gens ne remarquent pas forcément et qui font la réalité, un peu comme un regard d’enfant sur le monde. J’adore capturer les expressions, un style de vêtement, des personnalités qui se révèlent dans l’ordinaire, ces choses qu’on ne voit pas toujours, mais qui sont fascinantes quand on prend le temps d’observer, comme en se baladant ou en étant assis à la terrasse d’un café.

Pour un projet comme Balance Ton Gynéco, c’est ce qui me permet de suggérer des scènes violentes sans être crue dans la représentation. Une expression ou une posture chez un personnage avec les bonnes couleurs, une lumière particulière, tout de suite on comprend beaucoup de choses sans avoir besoin de les montrer directement.

 

Comment tu t’organises en termes de créativité ? Quelle est ta routine de travail ?

Je n’ai pas vraiment de routine. Avant, je passais beaucoup de temps sur Pinterest, mais je me suis rendu compte que c’est dur de se créer un univers artistique sans risque de plagier le contenu d’un.e autre artiste.
Aujourd’hui’ je m’en sers surtout pour trouver des combinaisons de couleur, étudier le travail de textures chez d’autres artistes. Je me concentre sur le dessin quotidien, même juste 15-20 minutes de dessin d’observation, comme mes profs me l’avaient conseillé à la fac.

Je me sers aussi beaucoup de GettyImages pour trouver des modèles pour mes personnages, des poses et j’avoue pour aller lus vite sur les proportions. Je prends un modèle de base pour la pose et puis je créé tout un personnage et une scène à partir de cette position. Ensuite, tout peut m’inspirer : une personne, une typo sur une façade, les couleurs d’une pub dans la rue… mais parfois, je suis à sec.
Quand ça arrive, je prends une pause ou je fais autre chose, comme du montage photo.
C’est pour mon FranceInfo que j’en fais, parfois ça fait du bien de prendre un sujet avec du montage photo pour faire une pause et faire autre chose que de l’illu. Autrement je fais carrément autre chose comme lire, regarder un film ou me balader pour me vider la tête.

 

Peux-tu nous parler de Suzanne et Paulette ?

Ah oui, elles sont là ! (rires) *Pauline désigne les deux plantes*
Alors, voici Suzanne, fièrement accompagnée de son fidèle gardien Totoro. Et voici Paulette, la petite dernière. Avant elle, il y avait Paula, mais malheureusement, elle n’a pas survécu. Du coup, j’ai fait un sondage pour choisir le nom de son successeur, et Paulette l’a emporté haut la main !
Ce sont mes deux seules plantes, même si j’avais aussi de la menthe du jardin de mon grand-père à un moment, mais elle a fini par brûler… triste histoire. On ne peut pas les manquer, elles figurent même dans ma bio Instagram, elles sont comme mes colocs. Mon appart est plutôt minimaliste niveau déco, à part mes plantes, des cadres et une petite collection de peluches !

 

Qui influence le plus ce que tu produis ?

Je dirais que ce sont principalement les autres créateurs et créatrices que je suis sur Instagram, mes collègues de travail ou mes amis. Il y a quelque chose de vraiment inspirant dans ces échanges. Quand tu discutes avec d’autres artistes, ça te donne des idées, ça te motive à travailler et à explorer de nouvelles directions. Il y a une vraie énergie qui circule et qui te pousse à créer. Par exemple, votre projet de boutique éphémère m’a donné envie de revenir à des techniques plus traditionnelles sur papier, ce que je faisais beaucoup pendant mes études.
Ça me rappelle cette époque où je faisais plein de choses à la main, et ça m’a inspiré de nouvelles idées.
J’ai récemment acheté des petits formats de cartes postales, et je me suis dit que je pourrais en faire une série unique.

En fin de compte, ce sont les rencontres, les projets, et même des choses que je vois en ligne qui viennent alimenter ma créativité au quotidien. J’adore dessiner des personnages et je mets un point d’honneur à représenter le plus de diversité possible, que ce soit au niveau des couleurs de peaux, des genres, des vêtements, des corps… C’est ça qui m’inspire.

 

Tu as accepté notre invitation pour le Pink Power Store. Quelle sera ta sélection pour la boutique ?

Oui, j’ai déjà quelques projets en cours, et il faut vraiment que je me dépêche pour les finaliser (rires). Je travaille actuellement sur des impressions à l’encre giclée, qui permet des rendus en haute définition avec des couleurs très vives, mais ça prend un certain temps pour imprimer, donc je suis un peu sous pression niveau délai. Cela dit, j’aime bien avoir des deadlines, ça me motive.

Pour la boutique, je prévois de proposer un original sur le thème d’octobre rose, des petites cartes postales uniques, des prints, ainsi que quelques anciens prints que je t’ai déjà montrés. Je ne sais pas exactement combien d’espace j’aurai, mais je ramènerai tout mon stock alors, histoire d’avoir un bon choix à disposition !

 

As-tu une anecdote "Girl Power" à nous partager ?

Oh oui, une qui me vient direct, vraiment out of nowhere mais peut-être pas trop Girl Power (rires). Je revenais d’Indonésie, avec une escale en Arabie Saoudite. La différence culturelle m’intimidait un peu. Il y avait beaucoup d’hommes d’un côté et les femmes de l’autre. On s’est retrouvées séparées dans l’avion avec mes amies, et j’étais assise à côté d’un Saoudien.
La manière dont il parlait à une femme me dérangeait, il voulait être à côté de son ami alors il lui a fait changer de place. Puis il a commencé à me parler et me montrer son portable une discussion avec sa femme en disant qu’il était assis à côté d’une fille avec un beau sourire en parlant de moi.
J’étais très gênée alors je me suis dit : “Concentre-toi sur ton film et dors.” Sauf que, bien sûr, quand j’ai voulu lancer un film, mon écran ne fonctionnait pas…

Le mec s’en rend compte et me dit : “Va voir l’hôtesse, t’as payé pour un écran !” Je lui répond que ce n’est pas grave, que je vais survivre sans écran pendant un vol.” Mais il insiste : “Non, t’as payé, il faut que tu lui demandes une compensation !” Je tente de lever la main, timidement… puis je me défile.
Lui me regarde en rigolant : “Je t’ai vue ! Tu n’as rien dit à l’hôtesse ! Allez, répète dans ta tête : I want to change my screen. Fonce, demande-lui !”
Finalement, je prends mon courage à deux mains, et quand l’hôtesse repasse, je lâche sur ton que j’essaye convaincant et ferme : “Hello miss, my screen does not work, I’ve paid for it, it’s bullshit !”.
J’essayais d’avoir l’air vénère, alors qu’elle n’y était pour rien la pauvre. Mais elle s’excuse et me trouve une place avec un écran fonctionnel. Le mec se retourne, tout sourire et me dit : “Tu vois, t’as réussi !” Il avait l’air super fier de moi.
Et moi, pas sûre de la méthode mais quand même fière d’avoir demandé, je le remercie et passe le reste du vol à une autre place.
Une rencontre improbable, mais mémorable !

 

Crédits photo : 2in 

Retrouvez le travail de Pomallow ici : https://linktr.ee/pomallow