Faisons comme si c'était notre toutoute première fois et que nous découvrions ton travail :) Qui es-tu ?
Je suis Manon, graphiste et illustratrice. Je crée des illustrations féministes et humoristiques, avec l’idée d’apporter de la légèreté tout en véhiculant des messages qui me semblent essentiels dans ce combat. Pour moi, c'est un véritable moyen d'expression et de créativité qui me permet de faire passer mes idées.
Tu as une approche militante de la féminité, penses-tu que les deux soient forcément liés ? Quel est ton rapport à la féminité ?
Je ne pense pas que les deux soient forcément liés. On peut être militante sans être féministe, je ne suis pas aussi radicale ! (rires) Pour moi, la féminité commence par la prise de conscience qu’en tant que femme, on est souvent invisibilisée dans l’espace public, la politique, ou le travail. On découvre aussi la charge mentale, les inégalités salariales… Toutes ces expériences peuvent nous pousser à devenir militantes presque malgré nous.
Pour ma part, j’ai voulu transformer ça en engagement, d’abord pour l’écologie, puis ça s’est élargi à des enjeux sociaux et féministes, car tout est lié. Je rêve d’une véritable égalité des sexes, pas juste pour moi, mais pour les générations futures.
Quant à la féminité, je crois qu’on la construit petit à petit, et pour moi, elle n’est pas liée aux codes traditionnels comme les talons ou le maquillage. Je n’ai pas grandi avec ces stéréotypes et j’ai appris à la redéfinir au fil des années, en lien avec le féminisme et la défense de nos droits.
Aquarelle, digital, tu varies les techniques, peux-tu nous expliquer tes choix ?
J’ai effectivement traversé une grosse période aquarelle, que j’adore pour sa douceur et son côté apaisant. Je trouve que cette technique se prête bien à la nature, donc j'ai réalisé une série végétale avec. Sinon, je dessine beaucoup en digital, directement sur tablette. J’ai aussi eu une phase où j’ai développé des créations autour de l’écriture, car j’aime beaucoup jouer avec les mots. J’ai voulu rendre ces jeux graphiques en y ajoutant des techniques d’impression pour amener de la texture, du doré, etc.
Comment perçois-tu le rôle de l’illustration dans les luttes féministes actuelles ?
L’illustration permet de faire passer des messages, que ce soit avec humour ou non. Elle joue un rôle éducatif en rendant certaines notions plus accessibles, en particulier pour des concepts souvent abstraits, comme la sociologie ou la philosophie. Grâce à l’illustration, on peut ajouter de la légèreté tout en conservant la profondeur du sujet. C'est une manière esthétique de rappeler un engagement militant au quotidien, sans le priver de son sens.
Qui influence le plus ce que tu produis ?
Oh wow ! (rires) Plein de choses ! Pour commencer, les séries. La pop culture a un vrai impact sur la société, elle peut faire bouger les mentalités. Des séries comme "Girls" ou "Sex and the City" m’ont beaucoup aidée à comprendre des sujets comme le féminisme et la santé mentale.
Je suis aussi inspirée par des illustratrices comme "La Nuit Remue Paris" (Blanche Sabbah), qui rend accessibles des sujets complexes à travers ses BD, ou Rose Lamy, qui déconstruit les discours sexistes dans les médias. Et côté podcasts, La Poudre a été un déclencheur, ouvrant la voie à plein de nouvelles réflexions pour moi.
Comment organises-tu ton temps pour créer ?
C’est un peu compliqué en ce moment. Après avoir été freelance, j’ai fait un petit burnout et une dépression, donc j’ai pris une pause avant de reprendre un travail salarié. La créa me manquait, alors j’ai recommencé, mais j’ai encore du mal à fixer des limites. L’inspiration vient quand elle veut, et je me retrouve à écrire des idées sur un carnet, puis à passer des heures à dessiner le soir ou le week-end. Je capture l’inspiration quand elle arrive, je fais un petit croquis pour ne pas perdre l’idée, et je la reprends plus tard.
Tu as accepté notre invitation au PPS, quelle sera ta sélection pour la boutique ?
Je vais proposer des illustrations de ma série Women, avec des jeux de mots associés à des mains et des gestes. Je pensais aussi à ma dernière série sur les fesses, que j’ai retravaillée en petits formats plus qualitatifs, avec des choix de couleurs et de matières. Pour les aquarelles, je ne suis pas encore sûre d’en avoir.
Quel impact espères-tu avoir sur les personnes qui découvrent ton art ?
J’aimerais que ça les fasse rire, qu’on se dise que c’est militant mais léger, que ça mette de bonne humeur, et qu’on ait envie de l’afficher chez soi !
As-tu une anecdote "girl power" à nous partager ?
Il y a deux semaines, je suis partie seule en rando, et j’en suis encore très émue… J’ai pleuré en y repensant, car je ne m’étais pas sentie aussi libre depuis des mois. Ça m’a rappelé mon voyage en Australie, il y a 15 ans, quand je suis partie seule pour la première fois. Je me suis dit : « C’est fou d’avoir oublié ce que ça fait d’être vraiment seule », et c’était tellement bien, loin d’être déprimant.
J’ai réalisé que je ne serai jamais vraiment seule, car je m’aurai toujours moi-même. À 18 ans, quand je suis partie pour apprendre l’anglais, je fuyais certaines choses, mais je me découvrais aussi. J’ai appris à apprécier la solitude, sans jamais en souffrir. Il y a 15 jours, c’était la première fois, célibataire, que je me disais à nouveau : « Je peux faire ça seule », et je me suis sentie forte, sans vulnérabilité. J’étais plus ouverte à mes émotions, sans être submergée par les attentes des autres. C’était un vrai pèlerinage intérieur.
Crédits photo : 2in
Retrouvez les illustrations de Manon ici : https://www.etsy.com/fr/shop/ManonMoisy